« Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Rm 10, 9). La fixation sur des versets bibliques comme celui-ci font dire, dans les milieux protestants, que c'est la foi en Jésus-Christ et une relation personnelle avec lui qui sauve, indépendamment de la religion, pourvu que ce ne soit pas la religion catholique, considérée comme ayant abandonné l'enseignement du Christ. Cette manière de voir est conforme à la doctrine de la « sola fidei » (seule la foi sauve) et dispense le fidèle protestant de se poser des questions sur la diversité des dénominations chrétiennes, différentes dans leurs enseignements, leurs rites et leur discipline.

1. La foi qui sauve

Pour bien comprendre l'enseignement de Jésus sur le salut, il faut prendre en compte tous les passages où cette question est traitée, et ne pas se focaliser uniquement sur quelques uns. C'est un fait que le salut est apporté par Jésus-Christ, envoyé par Dieu « afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 15).

Toutefois, Jésus a souligné l'importance des œuvres pour être sauvé. Jésus a comparé ceux qui écoutent sa parole sans la mettre en pratique à des gens qui bâtissent leur maison sur le sable et dont la destruction a été complète (Mt 7, 26-27). Ainsi, nous avons « l'assurance que chacun sera payé par le Seigneur selon ce qu'il aura fait de bien » (Ep 6, 8). C'est cela que voit Jean dans l'Apocalypse : « Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône ; on ouvrit des livres, puis un autre livre, celui de la vie ; alors, les morts furent jugés d'après le contenu des livres, chacun selon ses œuvres. Et la mer rendit les morts qu'elle gardait, la Mort et l'Hadès rendirent les morts qu'ils gardaient, et chacun fut jugé selon ses œuvres » (Ap 20, 12-13).

Quand on dit que c'est la seule foi en Jésus qui sauve et non la religion, on sous-entend que la pratique religieuse consiste en des œuvres et pour cette raison, ces œuvres, même si elles sont bonnes à faire en soi, ne participent pas au salut. Cela, l’Écriture le dément formellement. Il est écrit en effet : « C'est par les œuvres que l'homme est justifié et non par la foi seule » (Jc 2, 24) !

C'est pourquoi, dit saint Paul, « j'ai prêché qu'il fallait se repentir et revenir à Dieu en faisant des œuvres qui conviennent au repentir » (Ac 26, 20). Bref, la seule foi en Jésus-Christ ne sauve pas. Elle sauve à condition d'être accompagnée de bonnes œuvres, d'un effort de conversion, de la persévérance dans la fidélité à Jésus jusqu'au bout (Mc 13, 13 ; 2 Tm 4, 7).

2. Jésus-Christ et sa religion

Le mot « œcuménisme » vient du grec, « οἰκουμένη » (oikoumené), qui signifie « toute la terre habitée » (cf. Mt 24, 14 ; Lc 2, 1 ; Rm 10, 18, etc.). Il est employé dans l’Église pour désigner un effort de dialogue et une recherche d'unité entre les chrétiens, c'est-à-dire, entre tous ceux qui croient en la Sainte Trinité et qui reconnaissent en Jésus-Christ leur Seigneur et leur Sauveur. L'expression « dialogue interreligieux » est réservée au dialogue avec les autres religions telles que le Judaïsme et l'Islam. Cette initiative difficile et délicate est souvent mal comprise et remise en cause. Elle est pourtant nécessaire, le Christ ayant prié pour « que tous soient un » (Jn 17, 21).

3. Une seule Église

« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle » (Mt 16, 18). Par cette déclaration, Jésus montre son intention de fonder une et une seule Église. L'unité de l’Église, c'est d'abord une unité dans la profession de foi, dans l'administration des sacrements, dans la hiérarchie et la discipline qui découle de l'unicité du Christ et de l'unicité du Saint Esprit. En effet, « il n'y a qu'un Corps et qu'un Esprit, comme il n'y a qu'une espérance au terme de l'appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous » (Ep 4, 4-6).

L'Église est souvent comparée à la tunique indivisible du Christ, « sans couture, tissée d'une pièce à partir du haut » (Jn 19, 23) que les soldats se gardèrent de déchirer en tirant au sort qui allait le garder, de même que ses os ne devaient pas être brisés (Jn 19, 33).

À l'approche de la Passion, Caïphe « étant grand prêtre cette année-là, prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation et non pas pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 51-52). Jésus lui-même avait dit : « J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les mène ; elles écouteront ma voix ; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur » (Jn 10, 16).

L’Église est également comparée à l’Épouse du Christ : « J'éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ » (2 Co 11, 2). Cela fait penser au Cantique des cantiques qui dit : « Unique est ma colombe, ma parfaite » (Ct 6, 9).

C'est surtout à travers l'image du Corps que saint Paul présente l’Église : « Il est aussi la Tête du Corps, c'est-à-dire de l’Église » (Col 1, 18). « Car, de même que notre corps en son unité possède plus d'un membre et que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps dans le Christ, étant, chacun pour sa part, membres les uns des autres » (Rm 12, 4-5 ; Col 3, 15 ; 1 Co 12, 12-13 ; etc.).

4. L'unité brisée

« Dans cette seule et unique Église de Dieu sont apparues dès l’origine certaines scissions (cf. 1 Co 11, 18-19 ; Ga 1, 6-9 ; 1 Jn 2, 18-19), que l’apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables (cf. 1 Co 1, 11 s. ; 11, 22) ; au cours des siècles suivants naquirent des dissensions plus graves, et des communautés considérables furent séparées de la pleine communion de l’Église catholique, parfois par la faute des personnes de l’une ou de l’autre partie.

Ceux qui naissent aujourd’hui dans de telles communautés et qui vivent de la foi au Christ, ne peuvent être accusés de péché de division, et l’Église catholique les entoure de respect fraternel et de charité. En effet, ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique. Assurément, des divergences variées entre eux et l’Église catholique sur des questions doctrinales, parfois disciplinaires, ou sur la structure de l’Église, constituent nombre d’obstacles, parfois fort graves, à la pleine communion ecclésiale.

Le mouvement œcuménique tend à les surmonter. Néanmoins, justifiés par la foi reçue au baptême, incorporés au Christ, ils portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Église catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur »[1].

C'est de là que naît l'expression « frères séparés » dans l’Église catholique pour désigner les protestants.

5. L'identité de l’Église catholique

Dans la recherche de l'unité, l’Église ne renonce pas à son identité.

« C’est là l’unique Église du Christ, dont nous professons dans le symbole l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité, cette Église que notre Sauveur, après sa résurrection, remit à Pierre pour qu’il en soit le pasteur (Jn 21, 17), qu’il lui confia, à lui et aux autres Apôtres, pour la répandre et la diriger (cf. Mt 28, 18, etc.) et dont il a fait pour toujours la "colonne et le fondement de la vérité" (1 Tm 3, 15). Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique »[2].

Dans cette déclaration, l'expression « subsiste » exprime d'une part la conviction que l’Église du Christ est précisément l’Église catholique, et en même temps, que l’Église catholique reconnaît l'existence de nombreux éléments de sanctification et de vérité dans les églises protestantes[3].

« Aussi n’est-il point permis aux fidèles d’imaginer que l’Église du Christ soit simplement un ensemble – divisé certes, mais conservant encore quelque unité – d’Églises et de communautés ecclésiales ; et ils n’ont pas le droit de tenir que cette Église du Christ ne subsiste plus nulle part aujourd’hui de sorte qu’il faille la tenir seulement pour une fin à rechercher par toutes les Églises et communautés »[4].

De l'autre côté, les églises protestantes regardent l’Église catholique comme une église ayant abandonné l'enseignement de la Bible pour y introduire des traditions humaines.

Manifestement, l'unité des chrétiens dans une seule Église du Christ dépasse les forces et les capacités humaines. D'où la nécessité de faire des efforts de coopération de chaque côté, tout en intensifiant les prières pour l'unité des chrétiens tant voulue par le Christ.

6. Bref historique de l’œcuménisme

En vérité, le mouvement œcuménique a commencé dans les milieux protestants qui cherchaient à rendre plus efficaces leurs activités missionnaires. La conférence missionnaire mondiale d’Édimbourg (1910) qui a regroupé les sociétés missionnaires anglicanes et protestantes est considérée comme le début du mouvement œcuménique. Depuis lors, plusieurs avancées ont été faites, notamment des accords entre églises, des fusions d'églises, etc. En 1948 est créé le Conseil œcuménique des Églises (COE) qui regroupe aujourd'hui des Églises orthodoxes, anglicanes, baptistes, luthériennes, méthodistes et réformées, ainsi que de nombreuses Églises unies et indépendantes.

Côté catholique, en 1928, le Pape Pie XI condamne le mouvement œcuménique dans l'encyclique Mortalium animos, et il faut bien comprendre les raisons. À cette époque, les promoteurs de l’œcuménisme s’appuyaient « sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect sa puissance. […]

Un bon nombre d'entre eux nient que l’Église doive être visible et décelable extérieurement, en ce sens, du moins, qu'elle doive se présenter comme un seul corps de fidèles unanimes à professer une seule et même doctrine sous un seul magistère et un seul gouvernement. […]

Ils soutiennent, en effet, que l'unité de foi et de gouvernement, caractéristique de la véritable et unique Église du Christ, n'a presque jamais existé jusqu'à présent et n'existe pas aujourd'hui ; que cette unité peut, certes, être souhaitée et qu'elle sera peut-être un jour établie par une entente commune des volontés, mais qu'il faut entre-temps la tenir pour une sorte de rêve. Ils ajoutent que l’Église, en elle-même, de sa nature, est divisée en parties, c'est-à-dire constituée de très nombreuses églises ou communautés particulières, encore séparées, qui, malgré quelques principes communs de doctrine, diffèrent pour tout le reste ; que chaque église jouit de droits parfaitement identiques ; que l’Église ne fut une et unique que tout au plus depuis l'âge apostolique jusqu'aux premiers conciles œcuméniques. […]

Il faut donc, disent-ils, négliger et écarter les controverses même les plus anciennes et les divergences de doctrine qui déchirent encore aujourd'hui le nom chrétien, et, au moyen des autres vérités doctrinales, constituer et proposer une certaine règle de foi commune : dans la profession de cette foi, tous sentiront qu'ils sont frères plus qu'ils ne le sauront ; seulement, une fois réunies en une fédération universelle, les multiples églises ou communautés pourront s'opposer avec force et succès aux progrès de l'impiété »[5].

En 1935, grâce aux labeurs de l'Abbé Paul Couturier du diocèse de Lyon (1881 – 1953), est instaurée une semaine de prière pour l'unité des chrétiens aussi bien chez les catholiques que chez les protestants. Mais c'est à partir du Concile Vatican II (1962 – 1965) que l'œcuménisme prend une nouvelle tournure dans l’Église catholique avec le Décret sur l’œcuménisme (Unitatis redintegratio) et des précisions sur la nature de l’Église du Christ dans la Constitution dogmatique sur l’Église (Lumen gentium).

7. Les avancées de l'œcuménisme

Bien que nous nous soyons focalisés ici sur le protestantisme, le dialogue œcuménique dans l’Église catholique englobe également les relations avec les orthodoxes[6], les anglicans[7] et bien d'autres communautés. Plusieurs avancées ont été faites depuis le Concile Vatican II :

  • un dialogue théologique ayant conduit à des déclarations communes comme l'accord de 1999 à Augsbourg (Allemagne) entre l’Église catholique et Fédération luthérienne mondiale. Cet accord a été signé en 2006 par le Conseil méthodiste mondial et en 2017 par la Communion mondiale d’Églises réformées et la Communion anglicane ;

  • la création, dans certains pays, d'associations interconfessionnelles de lutte pour des grandes causes (lutte contre l'avortement et l'euthanasie, promotion de la justice, de la paix, de l'écologie, etc.) ;

  • l'accompagnement des couples mixtes ;

  • la promotion de la Bible à travers l'Alliance biblique ;

  • l'organisation de prières œcuméniques et de spectacles culturels (concerts, etc.).

Les difficultés ne manquent pas au nombre desquelles on peut citer des attitudes et pratiques fondamentalistes, agressives et syncrétistes chez les nouvelles « sectes » et les nombreuses « Églises champignons  » d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, qui acceptent difficilement d'être des partenaires d’un dialogue œcuménique.

8. La prière pour l’unité des chrétiens de l’Abbé Paul Couturier

« Seigneur Jésus, toi qui, à la veille de mourir pour nous, as prié pour que tes disciples soient parfaitement un, comme toi en ton Père et ton Père en toi, fais-nous ressentir l’infidélité de notre désunion. Donne-nous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter ce qui se cache en nous d’indifférence, de méfiance et même d’hostilité muette. Accorde-nous de nous rencontrer tous en toi, afin que, de nos âmes et de nos lèvres, monte incessamment ta prière pour l’unité de tous, telle que tu la veux, par les moyens que tu veux. En toi qui es la charité parfaite, fais-nous trouver la voie qui conduit à l’unité, dans l’obéissance à ton amour et à ta vérité. Amen. »

Notes :

[1] Concile Vatican II, Décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio, n°3.

[2] Concile Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium, n°8.

[3] On peut citer par exemple l'importance accordée à la lecture de la Bible.

[4] Congrégation pour la doctrine de la foi, Déclaration Mysterium ecclesiae, n°1.

[5] Pie XI, Encyclique Mortalium animos.

[6] La séparation entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe a eu lieu en 1054 pour des raisons plus politiques que doctrinales. Aujourd'hui, les différences entre les deux groupes sont mineures.

[7] L'église anglicane, installée surtout au Royaume-Uni, s'est séparée de l’Église catholique en 1534. Du point de vue doctrinal, elle a une position intermédiaire entre le catholicisme et le protestantisme.


Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso)


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