La question des indulgences a été le catalyseur de la Réforme protestante. C'est donc un sujet controversé qui demeure néanmoins une doctrine de l’Église catholique par laquelle les chrétiens sont appelés à rechercher « la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur » (He 12, 14). Par un cœur contrit, la réception du sacrement de la réconciliation qui efface les péchés et en luttant contre tout attachement au péché, même véniel, le chrétien peut bénéficier des indulgences, qui sont une remise des peines temporelles dues au péché.

1. Les conséquences temporelles du péché

Les indulgences ont un lien avec les conséquences temporelles du péché. Cela signifie qu'en plus des peines éternelles, c'est-à-dire, de la faculté pour les péchés graves de nous priver du ciel (Ep 5, 5 ; Ap 21, 8 ; etc.), tous les péchés, même pardonnés, occasionnent des souffrances et des épreuves de toute sorte, qui sont expiées sur terre ou au purgatoire. « Car celui qu'aime le Seigneur, il le corrige, et il châtie tout fils qu'il agrée. C'est pour votre correction que vous souffrez. C'est en fils que Dieu vous traite. Et quel est le fils que ne corrige son père » (He 12, 6-7) ? Voici des exemples :

  • Après le premier péché, Adam et Ève sont chassés du jardin d’Éden et ils devront manger à la sueur de leur front : « Yahvé Dieu le renvoya du jardin d’Éden pour cultiver le sol d'où il avait été tiré » (Gn 3, 23). À cause de ce péché, la mort est entrée dans le monde (Rm 5, 14) et les hommes aujourd'hui, continuent de mourir malgré la Passion et la mort de Jésus-Christ pour nous racheter du péché ;

  • le peuple d'Israël a dû passer 40 ans au désert malgré le pardon obtenu : « Yahvé dit : "Je lui pardonne, comme tu l'as dit. Mais – je suis vivant ! et la gloire de Yahvé remplit toute la terre ! – tous ces hommes qui ont vu ma gloire et les signes que j'ai produits en Égypte et au désert, ces hommes qui m'ont déjà dix fois mis à l'épreuve sans obéir à ma voix, ne verront pas le pays que j'ai promis par serment à leurs pères. Aucun de ceux qui me méprisent ne le verra » (Nb 14, 20-23) ;

  • Moïse n'entrera pas dans la terre promise : « Yahvé parla à Moïse, ce même jour, et lui dit : "Monte sur cette montagne des Abarim, sur le mont Nebo, au pays de Moab, face à Jéricho, et regarde le pays de Canaan que je donne en propriété aux Israélites. Meurs sur la montagne où tu seras monté, et tu seras réuni aux tiens, comme Aaron ton frère, mort sur la montagne de Hor, fut réuni aux siens. Parce que vous m'avez été infidèles au milieu des Israélites aux eaux de Meriba-Cadès, dans le désert de Cîn, parce que vous n'avez pas manifesté ma sainteté au milieu des Israélites, c'est du dehors seulement que tu verras le pays, mais tu n'y pourras entrer, en ce pays que je donne aux Israélites" » (Dt 32, 48-52) ;

  • l'enfant qui est né de l'adultère de David meurt malgré le pardon obtenu : « David dit à Natân : "J'ai péché contre Yahvé !" Alors Natân dit à David : "De son côté, Yahvé pardonne ta faute, tu ne mourras pas. Seulement, parce que tu as outragé Yahvé en cette affaire, l'enfant qui t'est né mourra" » (2 S 12, 13-14) ;

  • Élie transmet à Achab les reproches du Seigneur après qu'il ait fait tuer Naboth pour s'approprier de son champ. Achab obtient le pardon mais un malheur survient quand même sous le règne de son fils : « Quand Achab entendit ces paroles, il déchira ses vêtements, mit un sac à même sa chair, jeûna, coucha avec le sac et marcha à pas lents. Alors la parole de Yahvé fut adressée à Élie le Tishbite en ces termes : "As-tu vu comme Achab s'est humilié devant moi ? Parce qu'il s'est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur pendant son temps ; c'est au temps de son fils que je ferai venir le malheur sur sa maison" » (1 R 21, 27-29) ;

  • David ordonne un recensement qui déplut à Dieu et un malheur retombe sur son peuple : « Gad se rendit chez David et lui dit : "Ainsi parle Yahvé. Il te faut accepter soit trois années de famine, soit un désastre de trois mois devant tes ennemis, l'épée de tes adversaires dans les reins, soit l'épée de Yahvé et trois jours de peste dans le pays, l'ange de Yahvé ravageant tout le territoire d'Israël ! Vois maintenant ce que je dois répondre à celui qui m'envoie." David répondit à Gad : "Je suis dans une grande anxiété... Ah ! que je tombe entre les mains de Yahvé, car sa miséricorde est immense, mais que je ne tombe pas entre les mains des hommes !" Yahvé envoya donc la peste en Israël et, parmi les Israélites, 70.000 hommes tombèrent. Et David dit à Dieu : "N'est-ce pas moi qui ai ordonné de recenser le peuple ? N'est-ce pas moi qui ai péché et qui ai commis le mal ? Mais ceux-là, c'est le troupeau, qu'ont-ils fait ? Yahvé, mon Dieu, que ta main s'appesantisse donc sur moi et sur ma famille, mais que ton peuple échappe au fléau" » (1 Ch 21, 11-17) !

  • Les communions indignes provoquent des maladies et la mort : « Ainsi donc, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur. Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe ; car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s'il ne discerne le Corps. Voilà pourquoi il y a parmi vous beaucoup de malades et d'infirmes, et que bon nombre sont morts » (1 Co 11, 27-30) ;

  • Ananie et Saphire meurent pour avoir été malhonnêtes : « Un certain Ananie, d'accord avec Saphire sa femme, vendit une propriété ; il détourna une partie du prix, de connivence avec sa femme, et apportant le reste, il le déposa aux pieds des apôtres. "Ananie, lui dit alors Pierre, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, que tu mentes à l'Esprit Saint et détournes une partie du prix du champ ? Quand tu avais ton bien, n'étais-tu pas libre de le garder, et quand tu l'as vendu, ne pouvais-tu disposer du prix à ton gré ? Comment donc cette décision a-t-elle pu naître dans ton cœur ? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu." En entendant ces paroles, Ananie tomba et expira. Une grande crainte s'empara alors de tous ceux qui l'apprirent. Les jeunes gens vinrent envelopper le corps et l'emportèrent pour l'enterrer.
    Au bout d'un intervalle d'environ trois heures, sa femme, qui ne savait pas ce qui était arrivé, entra. Pierre l'interpella : "Dis-moi, le champ que vous avez vendu, c'était tant ?" Elle dit : "Oui, tant." Alors Pierre : "Comment donc avez-vous pu vous concerter pour mettre l'Esprit du Seigneur à l'épreuve ? Eh bien ! voici à la porte les pas de ceux qui ont enterré ton mari : ils vont aussi t'emporter." À l'instant même elle tomba à ses pieds et expira. Les jeunes gens qui entraient la trouvèrent morte ; ils l'emportèrent et l'enterrèrent auprès de son mari » (Ac 5, 1-10).

Heureusement, Dieu nous donne des moyens de réduire les peines temporelles des péchés, après les avoir confessés.

2. La doctrine des indulgences

« La doctrine et la pratique des indulgences dans l’Église sont étroitement liées aux effets du sacrement de Pénitence. L’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints. L’indulgence est partielle ou plénière, selon qu’elle libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché. Tout fidèle peut gagner des indulgences pour soi-même ou les appliquer aux défunts » (Catéchisme de l’Église catholique, n°1471).

En effet, Jésus dit à Pierre : « Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié » (Mt 16, 19). C'est donc un privilège pour le Pape, successeur de saint Pierre, de lier et de délier, précisément, de pouvoir supprimer les peines temporelles du péché en accordant des indulgences.

« Pour obtenir l’indulgence plénière il est nécessaire d’accomplir l’œuvre a laquelle est attachée l’indulgence et de remplir trois conditions : la confession sacramentelle, la communion eucharistique et la prière selon les intentions du Souverain Pontife. Il faut de plus que soit exclu tout attachement au péché, même véniel. Si cette pleine disposition vient à manquer, ou si les trois conditions susdites ne sont pas remplies, l’indulgence sera seulement partielle. […] Ces trois conditions peuvent être accomplies plusieurs jours avant ou après l’exécution de l’œuvre prescrite. Il convient cependant que la communion et la prière selon les intentions du Souverain Pontife aient lieu le jour même où l’œuvre est accomplie » (Paul VI, Constitution apostolique Indulgentiarum doctrina, normes 7-8).

3. Luther et les indulgences

Le 31 octobre 1517, Martin Luther publie ses 95 thèses. Cette date est considérée comme le début du protestantisme. L'histoire retient que Luther s'est révolté contre la pratique des indulgences dans l’Église catholique. Le souci de la vérité doit pousser à reconnaître que Luther, en 1517, n'était pas du tout opposé à la doctrine des indulgences. À cette époque, le Pape avait proposé comme œuvre à pratiquer pour obtenir l'indulgence une contribution financière en vue de construire la basilique de saint Pierre. Luther reconnaissait l'autorité du Pape et acceptait le principe de cette contribution financière comme on peut le voir dans les thèses ci-dessous écrites par Luther lui-même, en particulier les thèses 71, 81 et 91. Ce qu'il rejetait, c'était les prédications hasardeuses sur la question. C'est plus tard que le protestantisme a rejeté toute idée d'indulgence.

50. Il faut enseigner aux chrétiens que si le Pape connaissait les exactions des prédicateurs d'indulgences, il préférerait voir la basilique de Saint-Pierre réduite en cendres plutôt qu'édifiée avec la chair, le sang, les os de ses brebis.

51. Il faut enseigner aux chrétiens que le Pape, fidèle à son devoir, distribuerait tout son bien et vendrait au besoin l’Église de Saint-Pierre pour la plupart de ceux auxquels certains prédicateurs d'indulgences enlèvent leur argent.

67. Les indulgences dont les prédicateurs vantent et exaltent les mérites ont le très grand mérite de rapporter de l'argent.

69. Le devoir des évêques et des pasteurs est d'admettre avec respect les commissaires des indulgences apostoliques.

70. Mais c'est bien plus encore leur devoir d'ouvrir leurs yeux et leurs oreilles, pour que ceux-ci ne prêchent pas leurs rêves à la place des ordres du Pape.

71. Maudit soit celui qui parle contre la vérité des indulgences apostoliques.

72. Mais béni soit celui qui s'inquiète de la licence et des paroles impudentes des prédicateurs d'indulgences.

73. De même que le Pape excommunie justement ceux qui machinent contre ses indulgences,

74. Il entend à plus forte raison excommunier ceux qui, sous prétexte de défendre les indulgences, machinent contre la sainte charité et contre la vérité.

81. Cette prédication imprudente des indulgences rend bien difficile aux hommes même les plus doctes, de défendre l'honneur du Pape contre les calomnies ou même contre les questions insidieuses des laïques.

91. Si, par contre, on avait prêché les indulgences selon l'esprit et le sentiment du Pape, il serait facile de répondre à toutes ces objections ; elles n'auraient pas même été faites.

4. Concile de Trente

Après la Réforme protestante, le Concile de Trente (1845 – 1863) précise la doctrine catholique, en particulier celle des indulgences, qui avait été traitée par plusieurs conciles précédents, en ces termes :

« Le pouvoir de conférer des indulgences ayant été accordé par le Christ à l’Église, et celle-ci ayant usé de ce pouvoir qui lui avait été divinement communiqué (voir Mt 16, 19 ; Mt 18, 18), même dans les temps les plus anciens, le saint concile enseigne et ordonne que l’usage des indulgences, très salutaire pour le peuple chrétien et approuvé par l’autorité de ce saint concile, soit conservé. Et il frappe d’anathème aussi bien ceux qui affirment qu’elles sont inutiles que ceux qui nient qu’il y ait dans l’Église le pouvoir de les accorder.

Cependant, il désire qu’on fasse preuve de mesure en les accordant… pour éviter que la discipline ecclésiastique ne soit affaiblie par une trop grande facilité. Désirant amender et corriger les abus qui s’y sont glissés, et à l’occasion desquels ce beau nom d’indulgences est blasphémé par les hérétiques, par le présent décret le saint concile statue d’une manière générale que doivent être absolument abolis tous les déplorables trafics d’argent en vue de les obtenir » (Concile de Trente, Décret sur les indulgences, 25e session, 4 décembre 1563).


Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso)


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