Pour savoir si on a affaire à une Bible catholique ou plutôt à une bible protestante, il suffit de regarder la liste des livres de l'Ancien Testament. Dans la Bible catholique, figurent 7 livres qui ne se trouvent pas dans la Bible protestante. Ce sont : Tobie, Judith, Maccabées 1 et 2, Sagesse, Ecclésiastique (ou Siracide) et Baruch (comprenant la Lettre de Jérémie) ainsi que des parties des livres d’Esther (10, 4 – 16, 24) et de Daniel (3, 24-90 ; 13 –14). Ces 7 livres sont appelés « deutérocanoniques » par les catholiques et « apocryphes » par les protestants.

Cette différence s'explique par l'histoire de la formation de l'Ancien Testament qui s'est étalée sur une longue période, par l'histoire de l’Église catholique et l'histoire de la Réforme protestante.

1. La traduction de la Septante

Les livres de l'Ancien Testament ont été écrits pour la plupart en hébreu. Environ 300 ans avant Jésus-Christ, la langue grecque était très répandue et il y avait un besoin pour les Juifs installés hors de la Palestine d'avoir accès aux textes sacrés dans la langue grecque qu'ils utilisaient plus fréquemment. Ainsi est née la traduction de la Septante. Le mot « septante » vient d'une légende selon laquelle la traduction de la Torah (les 5 premiers livres de la Bible) a été réalisée en 72 jours par 72 savants de manière indépendante qui aboutirent à la même traduction.

La septante était largement utilisée au temps de Jésus. Pour la rédaction du Nouveau Testament, les Apôtres citaient la septante quand ils faisaient allusion à l'Ancien Testament. Un exemple : Mathieu 1, 23 cite Isaïe 7, 14.

  • Mathieu 1, 23 : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : "Dieu avec nous."

  • Isaïe 7, 14 : C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.

Dans le texte hébreu du livre du prophète Isaïe, le mot utilisé (béthula) désigne simplement une jeune fille. Il y a un mot hébreu désignant vierge (alma), mais ce n'est pas celui-là qui a été utilisé dans le texte initial. Mais dans la Septante, béthula est traduit par le mot grec partenos qui signifie vierge. Et c'est cette traduction de la Septante qui se trouve en Mt 1, 23 dans nos bibles. Tout cela montre qu'au temps de Jésus, on voyait déjà dans la traduction de la Septante, une inspiration divine, qui précisait qu'il ne s'agissait pas d'une jeune fille quelconque mais une Vierge qui mettrait au monde le Messie.

Dans la septante, il n'y a pas seulement les livres écrits en hébreu. On y trouve aussi d'autres livres plus récents, écrits directement en grec dont les 7 livres « deutérocanoniques ». Ces livres vont constituer plus tard la pomme de discorde entre catholiques et protestants.

2. La formation du canon de l'Ancien Testament catholique

On appelle « canon » de l'Ancien Testament, la liste des livres considérés comme inspirés et retenus dans l'Ancien Testament.

Une première pierre d'achoppement est un concile organisé par les Juifs à Javné (ou Jamnia) vers l'an 90 après Jésus-Christ qui considère comme inspirés les livres écrits initialement en hébreu uniquement. Jusqu'à présent, les bibles juives ne contiennent que ces livres-là, les livres du Nouveau Testament étant naturellement rejetés par les juifs. Cela pourrait s'expliquer par le fait que les juifs ne voyaient pas d'un bon œil l'insistance des chrétiens sur la résurrection du Christ qui avait aussi des appuis dans les livres deutérocanoniques (voir Sagesse chapitres 2 et 3 par exemple). L'autorité du concile de Javné pose question pour trois raisons principales :

  • la légitimité des participants : de quelle autorité pouvaient-ils décider du canon de l'Ancien Testament ?

  • ce concile a eu lieu bien après Jésus-Christ, alors que la septante était en usage deux à trois siècles avant Jésus-Christ sans être remis en cause.

  • le critère de langue ne tient plus de nos jour pour rejeter les deutérocanoniques puisqu'on a découvert deux tiers des manuscrits en hébreu du livre du Siracide à partir desquels la traduction a été faite. Les autres livres deutérocanoniques aussi ont sans doute été d'abord rédigés en hébreu.

Côté catholique, le sort de ces 7 livres a été discuté dans les premiers siècles. C'est pourquoi il sont appelés « deutérocanoniques » (deuxième canon). Saint Augustin les considérait comme inspirés tandis que saint Jérôme les rejetait. En 382, un synode tenu à Rome donne la liste liste des livres canoniques de l'Ancien Testament qui inclut les 7 livres deutérocanoniques. Cette liste reçoit l'approbation de l'autorité de l’Église par le Pape Damase Ier (cf. Denzinger-Hünermann [DH] 179, http://catho.org/9.php?d=bxk#a4j) Les conciles d'Hippone en 393 et de Carthage en 397 publient une liste similaire. Le Pape Innocent Ier approuve et clôture officiellement le canon de la Bible en 405. Depuis lors, la Bible est restée inchangée jusqu’à nos jours.

Peu après le début du protestantisme, l’Église catholique a réaffirmé au Concile de Trente la liste des livres de la Bible qu'elle considère comme inspirée. C'est la même liste que celle Pape Damase Ier, incluant les deutérocanoniques.

3. La formation du canon de l'Ancien Testament protestant

À partir de 1517, Martin Luther, un moine allemand, commença un mouvement de remise en question des enseignements de l’Église catholique qui aboutit à la fondation des églises protestantes. Luther s'attache particulièrement à la doctrine de la « sola scriptura » (seule les Écritures comptent pour justifier un aspect de la foi), la « sola fidei » (seule la foi sauve, indépendamment des œuvres), le rejet du purgatoire, l'intercession des saints, etc.

Cela l'a conduit à examiner les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament et à suspecter ceux qui n'allaient pas dans le sens des doctrines qu'il défendait. Par exemple, au sujet de la lettre de saint Jacques selon laquelle « la foi, si elle n'a pas les œuvres, elle est tout à fait morte » (Jc 2, 17), Luther écrit dans sa Préface au Nouveau Testament : « la lettre de Jacques est, par comparaison avec ces [autres] livres, une vraie épître de paille, car elle n'a aucun caractère évangélique. »

Les livres deutérocanoniques n'ont pas échappé à sa critique. Ils permettent de justifier par les Écritures la doctrine du purgatoire et l'intercession des saints, etc. Luther évoque plusieurs raisons pour nier leur canonicité. Il les garde pourtant dans sa traduction allemande de la Bible en les appelant « apocryphes, c'est-à-dire livres qui ne sont pas tenus pour égaux à la sainte Écriture, mais qui pourtant sont utiles et bons à lire ».

Cependant, force est de constater que les vraies raisons du rejet des deutérocanoniques sont parce qu'ils enseignent des doctrines contraires au protestantisme. Jean Calvin écrit : « Parlant des livres de la Sainte Écriture, ils ne mettent nulle différence entre les apocryphes et ceux qui de tout temps ont été réputés canoniques. […] Il y a davantage : en autorisant les livres apocryphes, ils pourront tenir de quelques témoignages qui autrement ne seraient de valeur. Par le second [livre] des Maccabées, ils voudront prouver leur purgatoire et intercession des saints. Par l'histoire de Tobie, les satisfactions, leurs enchantements de chandelles bénites, et autres semblables. Ils emprunteront aussi quelques lopins de l’Ecclésiastique. Je ne dis pas qu'il faille du tout rejeter ces livres mais là à les mettre en pareil degré avec ceux qui ont toujours eu pleine certitude : il n'y a pas nul propos, sinon qu'ils veulent employer tout ce qu'ils peuvent pour s'en servir à leur poste. » (Calvin, Jean: Les actes du Concile de Trente : avec le remède contre le poison, 4ème session, 1548 : https://www.e-rara.ch/gep_g/content/structure/282242)

4. Discussion

Les catholiques ont-ils ajouté les deutérocanoniques dans leur Bible ?

Certains allèguent que les catholiques ont ajouté les deutérocanoniques après la réforme protestante, lors du Concile de Trente. Cela n'est pas vrai. Le canon de l'Ancien Testament a été fixé par le Pape Damase Ier en 382. Il est à noter que les deutérocanoniques figurent dans la traduction allemande de la Bible de Luther ainsi que dans la première édition protestante du King James (1611). Après l'invention de l'imprimerie, Gutemberg imprime en tout premier lieu la Bible avec les deutérocanoniques, entre 1452 et 1455. Ce n'est qu'en 1825 que la British and Foreign Bible Society choisit de ne plus imprimer les deutérocanoniques dans les éditions protestantes.

 

Saint Jérôme comme référence

Les apologistes protestants, à la suite de l’argumentaire de Luther et Calvin, font beaucoup référence à saint Jérôme qui n'acceptait pas les deutérocanoniques comme inspirés, sans faire mention de bien d'autres Pères de l’Église qui avaient une opinion contraire. S'il y a eu des discordances sur le canon de l'Ancien Testament dans les premiers siècles, il n’appartient pas à des individus de choisir un camp ou d'examiner eux-mêmes ces livres pour décider quels livres retenir. C'est à l'autorité de l’Église que revient le dernier mot, comme cela a été le cas pour le Nouveau Testament.

De notre avis, lorsqu'un protestant fait référence à un Père de l’Église (saint Jérôme par exemple) pour rejeter les livres deutérocanoniques, un certain nombre de problèmes se posent :

  • Pourquoi ne pas faire aussi référence à ce saint qui croyait au purgatoire, à l'intercession des saints, etc. ?

  • Une doctrine fondamentale du protestantisme est la « sola scriptura » : seules les Écritures comptent. De ce fait, ils reprochent constamment aux catholiques de faire référence aux Pères de l’Église pour justifier certaines doctrines. Mais quand il s'agit de la Bible, saint Jérôme est curieusement convoqué, contrairement à la croyance de la « sola scriptura ».

  • De plus, saint Jérôme lui-même s'est soumis à l'autorité de l’Église. Il écrit : « Quel péché aurais-je commis en suivant le jugement des églises ? Mais celui qui témoigne contre moi, rappelant l’objection que les hébreux ont l’habitude de s’élever contre l’histoire de Suzanne, du cantique des trois enfants, et l’histoire de Bel et du Dragon, qui ne sont pas retrouvés dans les volumes (c’est à dire Canon) hébreux, prouve qu’il est juste un dénonciateur sans raison. Car je ne donnais pas mes vues personnelles, mais plutôt les remarques qu’ils (= les juifs) faisaient contre elles ». (Contre Rufinus 11 : 33, en 402)

Il est à noter que les Bibles protestantes suivent le canon de l’Église catholique pour ce qui est du Nouveau Testament malgré que Luther ait eu des réserves sur certains d'entre eux. Au sujet de l’Apocalypse, Luther avait écrit : « Je ne puis en aucune manière ressentir que le Saint Esprit avait pu produire ce livre ».

Soulignons qu'il y a des livres deutérocanoniques dans le Nouveau Testament : l’épître de Jacques, l’épître aux hébreux, l’Apocalypse de Jean, la lettre de Jude, la première et deuxième épître de Jean, la deuxième épître de Pierre. Leur admission dans la Bible a été discutée aussi dans les premiers siècles, mais on s'en remet à l'autorité de l’Église qui tranche chaque fois qu'il y a débat (cf. Ac 15) et qui a fixé le canon de la Bible.

 

Les deutérocanoniques ne seraient pas cités dans le Nouveau Testament

Certains prétendent encore que le Nouveau Testament ne fait pas référence aux deutérocanoniques, ce qui est très loin de la réalité. Voici quelques exemples : Mathieu 13,43 et Sagesse 3,7 ; Matthieu 16,18 et Sagesse 16,13 ; Marc 4:5, 16-17 et Ecclésiastique 40,15 ; Marc 9, 47-48 et Judith 16,17 ; Luc 13,29 et Baruch 4,37 ; Jean 1,3 et Sagesse 9,1 ; Jean 3,13 et Baruch 3,29 ; Jean 5,18 et Sagesse 2,16 ; Jean 15,6 et Sagesse 4,5 ; Matthieu 24,16 et 1 Maccabées 2,18 ; Matthieu 7,12 et Tobie 4,16 ; 2 Macabbées 7 et He 11, 35.

On conviendra également qu'un livre cité dans les Écritures n'est pas nécessairement inspiré puisque les Écritures citent des poètes, des dictons populaires (Nb 21, 27 ; 2 P 2, 22), et d'autres livres comme le livre d'Enoch, etc., qui ne sont pas des livres inspirés et retenus dans la Bible.

De plus, si ce critère devrait être utilisé pour la canonicité, alors, plusieurs livres de l'Ancien Testament devraient être exclus puisqu'ils ne sont pas cités dans le Nouveau Testament. Par exemple : Cantique des Cantiques, Ecclésiaste, Juges, 1 Chroniques, Néhémie, Nahum, Esther, Abdias.

 

Selon les Écritures, la Bible vient des juifs

« D'abord c'est à eux que furent confiés les oracles de Dieu » (Rm 3, 2). S'appuyant sur cette Écriture, certains voudraient donc donner foi au canon de la bible hébraïque. Toutefois, les deutérocanoniques ne sont pas des oracles de Dieu fait aux chinois ou aux arabes, mais aux juifs. La septante était très utilisée par eux bien avant la naissance de Jésus-Christ. Le rejet des deutérocanoniques et du Nouveau Testament par les juifs a été fait bien après la mort de Jésus-Christ, en réaction au christianisme.

L’Écriture mentionne également : « Les frères firent aussitôt partir de nuit Paul et Silas pour Bérée. Arrivés là, ils se rendirent à la synagogue des Juifs. Or ceux-ci avaient l'âme plus noble que ceux de Thessalonique. Ils accueillirent la parole avec le plus grand empressement. Chaque jour, ils examinaient les Écritures pour voir si tout était exact. » (Ac 17, 10-11) Il se trouve que l'Ancien Testament utilisé par les chrétiens de Bérée était précisément la septante.

 

Les deutérocanoniques s'opposeraient au Nouveau Testament

Nous citons ci-dessous quelques passages de deutérocanoniques souvent considérés comme contraires à l'enseignement du Nouveau Testament en donnant des références contraires.

Ecl 3, 3.30 : « Celui qui honore son père expie ses fautes. L'eau éteint les flammes, l'aumône remet les péchés »

1 P 4, 8  : « Avant tout, conservez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés »

 

Tobie 12, 9 : « L'aumône sauve de la mort et elle purifie de tout péché. Ceux qui font l'aumône sont rassasiés de jours  »

1 P 4, 8 : « Avant tout, conservez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés ».

 

Sg 8, 19-20 : « J'étais un enfant d'un heureux naturel, et j'avais reçu en partage une âme bonne, ou plutôt, étant bon, j'étais venu dans un corps sans souillure »

Rm 9, 10-12 : « Mieux encore, Rébecca avait conçu d'un seul homme, Isaac notre père : or, avant la naissance des enfants, quand ils n'avaient fait ni bien ni mal, pour que s'affirmât la liberté de l'élection divine, qui dépend de celui qui appelle et non des œuvres, il lui fut dit : L'aîné servira le cadet » 



Ecl 12, 4-7 : « Donne à l'homme pieux et ne viens pas en aide au pécheur. Fais le bien à qui est humble et ne donne pas à l'impie. Refuse-lui son pain, ne le lui donne pas, il en deviendrait plus fort que toi. Car tu serais payé au double en méchanceté pour tous les bienfaits dont tu l'aurais gratifié. Car le Très-Haut lui-même a les pécheurs en horreur et aux impies il infligera une punition. Donne à l'homme bon, mais ne viens pas en aide au pécheur ».

Ecl 12, 4-7 est conforme avec d'autres textes de l'Ancien Testament où l'on prend beaucoup de distance par rapport aux pécheurs, par exemple : Ps 1, 1 : « Heureux l'homme qui ne suit pas le conseil des impies, ni dans la voie des égarés ne s'arrête, ni au siège des rieurs ne s'assied ». Or, il y a maintenant le Nouveau Testament : Jésus est venu siéger (s'asseoir) avec les pécheurs !

À lire pour approfondir :

Pin It

Tiktok

Facebook

Parolesdevie.bf

Ce site vous est offert par l'Abbé Kizito NIKIEMA, prêtre de l'archidiocèse de Ouagadougou (Burkina Faso).

Back to Top